lundi 23 mars 2020

On va sous le frêne?





Les après-midis d'été, quand le soleil cédait enfin, la famille se transportait sous le frêne, juste à cet endroit où la vue était la plus ample, balayant la plaine de vignes tremblante de chaleur.
À l'ombre du grand arbre, on était sûr d'y retrouver une brise délicieuse.
Les plus âgés transportaient leurs pliants, les enfants une vieille couverture pour protéger leurs jambes nues et maigrelettes du piquant des herbes sèches. Le chien s'affalait à côté d'eux en haletant. Les conversations se faisaient paresseuses.  Tiens, untel a fini de moissonner, tiens, tel autre a sorti son tracteur...
Les adultes bavardaient mollement, l'air avait des parfums de poussière et d'immortelles. La nuit tombait. Il allait falloir rentrer pour manger. Le repas était déjà prêt. 
Parfois, quelqu'un proposait:
- Il fait si chaud. Et si l'on dormait dehors? 
Alors, après le dîner, ils s'installaient sous le frêne, les petites s'allongeaient sur les couvertures molletonnées où s'accrochaient les graines agaçantes de l'aigremoine. Les cigales avaient cédé la place aux grillons, l'oncle Maurice imitait le chant de la hulotte, jusqu'à l'attirer sur l'arbre voisin.

Ils contemplaient le ciel, en quête d'étoiles filantes ou du passage du spoutnik. On avait entendu son bip bip à la radio. Plus tard, il y aurait Laïka, la petite chienne russe, tournant éternellement dans l'infini du ciel.
Et puis, le soir de la Saint-Jean d'été, des feux s'allumaient uns à uns au flanc des collines, dans les fermes isolées. D'autres étaient comme eux, goûtant la tiédeur du soir et le basculement de l'été.
"Mes enfants, les jours raccourcissent".


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