Parfois, en fouillant dans son porte-monnaie, elle ne pouvait pas s’empêcher de s’attarder sur cette photo d’identité qu’il lui avait laissé sans qu’elle comprenne bien pourquoi. Mais étant la seule image de lui qui ne soit pas digitale, elle l’avait gardée.
Portrait tiré un jour de peu de gloire, juste avant un de ces rendez-vous administratifs qui multiplie(nt?) la gravité par trois, entre deux engueulades, on peut dire qu’il n’y était pas à son avantage. À sa décharge, les photomatons n’ont jamais montré le meilleur profil de qui que ce soit, surtout sous de tels auspices.
Mais elle aimait observer le regard droit et strict, figé sur cette photo voulue sans vie. Elle savait comment ces yeux-là oscillaient entre céleste folie et rigueur terrenale. Elle se rappelait comment c’était d’embrasser cette peau-là, juste au coin de la narine et au-dessus de la moustache. Cette moustache de pirate qui lui donnait envie de prendre les voiles, et qu’elle s’était faite prêter à plein d’occasion, à chaque baiser reçu ou dérobé.
Mais en s’attardant sur ces sourcils froncés, elle frémissait en se rappelant de cet amour dur, dur comme un minéral, qui rassure autant qu’il blesse.
Le cliché quitta le porte-monnaie pour finir dans une boîte. Cette quarantaine générale serait peut-être son salut : elle pourrait panser ses plaies, trier les souvenirs, leur histoire, leurs engueulades et leurs joies, et oublier cette foutue moustache qu’il était parti prêter à d’autres.
J'aime beaucoup !
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