Et soudain ce regard qui capta son attention. Ce regard brillant, joyeux et déterminé qui lui
fit l’effet d’une claque. Une claque parce que lui seul savait ce que ces deux yeux sombres
cachaient derrière un masque de bonheur apparent. Ce regard, sur le polaroïd épinglé au
mur, subissant l’érosion du temps et passablement recouvert de dessins et de papiers
divers, c’était le sien.
Il se souvenait parfaitement du moment précis où l’appareil photo avait immortalisé son
sourire vacillant alors qu’il étreignait ses enfants pour ce qu’il craignait être la dernière fois.
Cette photo, c’était celle qu’il voulait emmener avec lui avant de se livrer corps et âme
dans la bataille, comme un ultime souvenir. Il se rappelait cette étreinte fébrile, cette peur
de ne plus jamais les revoir.
Épinglée au mur parmi des dizaines d’autres papiers, la photo était là depuis ce qu’il lui
semblait être une éternité. Et pour la première fois depuis longtemps, il avait posé les yeux
dessus. Pourquoi ce regard le happait-il maintenant ? Au fond de lui, il pensait le savoir.
Elle était le symbole de sa victoire. Ce jour-là, il avait gagné. Malgré l’adversité, il était
rentré sain et sauf du supermarché, avec le dernier rouleau de papier toilette.
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