C’était le seul endroit où elle pouvait penser à lui et pleurer sans crainte. Elle sortait alors de sa poche la photo qu’il avait prise d’elle sur le pont. Elle la gardait toujours sur elle, dans la poche de sa robe, celle qu’il aimait tant.
Cet endroit le plus intime de la maison était le lieu où elle s’autorisait à penser à lui, à l’aimer à nouveau. Elle se regardait dans le petit miroir au dessus du lave-main, imaginant son regard vibrant posé sur elle. Elle fermait alors les yeux et essayait de retrouver la chaleur de ses baisers.
Cela n’avait duré que quatre jours mais ce furent les quatre jours les plus heureux de sa vie. Quatre jours d’abandon de soi. Quatre jours éternels. Elle avait failli tout quitter et le rejoindre. Elle l’avait vu, là, sous la pluie, mais elle n’avait pas osé les abandonner... Elle, la femme au foyer si sage, elle, la mamma italienne, comment pouvait-elle imaginer laisser ses enfants ? Qu’aurait-on dit ? Elle avait déjà quitté son métier de professeur à la naissance de leur premier enfant. Et ce jour-là, elle s’était à nouveau sacrifiée, abandonnant ainsi tous ses rêves de liberté, renonçant ainsi à l’homme de sa vie. Elle avait pourtant fait sa valise. Mais la raison et le qu’en dira t-on l’avaient emporté. Elle était revenue à la routine, à la réalité.
Où était-il aujourd’hui ? Sûrement dans un de ces pays lointains dont il aimait tant lui parler. Pensait-il encore à elle autant qu’elle pensait à lui ? Leur amour aurait-il résisté au temps ? Ne se seraient-ils pas lassés ? Une chose était sûre : elle avait aimé. Et “ce genre de certitude, on l’a une fois dans sa vie”.
Ses enfants et le devoir qui l’appelaient la faisaient alors sortir de sa rêverie mélancolique. Elle séchait ses larmes, rangeait l’unique preuve de cet amour inoubliable dans sa poche, déverrouillait le loquet et les yeux rougis, quittait ce lieu qui la ramenait irrémédiablement vers ce vertige irrésistible pour retourner à son existence ensommeillée.
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