Marraine Hélène a perdu son mari depuis 3 mois. Elle a pris en pension la petite pour se consoler pendant quelques semaines, c’est la tradition dans la famille, les enfants viennent adoucir le cœur rempli de malheur des vieux.
Elles empruntent la route de campagne qui mène au cimetière, dépassent les derniers jardins du village ; la petite sautille, ses souliers vernis claquent sur le goudron. La vieille a dans les bras des dahlias et quelques roses en boutons.
Elle pousse le grand portail de fer. Hélène a inventé depuis ce jour de solitude un trajet bien ordonné. On tourne à gauche, on s’arrête aux robinets, on remplit le broc de fer blanc. On longe une petite allée couverte de gravier. La petite se faufile entre les pierres moussues, monte et descend les rebords des caveaux malgré l’interdiction.
Une fois les fleurs déposées, les tiges fanées coupées, après un moment de silence, elles empruntent une voie bien plus large qui monte en douceur et arrivent au carrefour d’où partent trois chemins identiques.
C’est là qu’il se dresse le grand cyprès du cimetière, zébrant le ciel bleu de juillet, il dépasse largement tous les autres plantés ici et là.
De son vieux tronc empâté montent des branches sombres et épaisses qui s’enroulent jusqu’au sommet. IL oscille lentement entre deux nuages. Pour voir sa cime qui se balance, il faut pencher la tête en arrière, les narines se remplissent alors de son odeur de térébenthine.
La petite ramasse les fruits collants de sève. Marraine Hélène lui essuie les doigts.
– Maintenant, on va goûter, on reviendra demain.
En évitant de glisser sur les branches sèches et les racines qui dépassent, elles contournent ce vieux bonhomme intranquille.
Il fait plus frais à cet endroit, une rude caresse de vent les raccompagne dans l’allée qui descend jusqu’au portail.
– C’est ce grand cyprès qui protège le cimetière quand les vivants sont occupés !
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