mardi 31 mars 2020

L'objet

L'objet

Continuons un peu notre exploration de la maison. C'est une exploration sensible, codée. De multiples objets s'y sont accumulés, même dans les lieux les plus épurés.
Il y a cet objet, cet objet dont vous ne vous êtes jamais séparé. Bibelot, cadeau, objet de déco, il vous a suivi lors de tous vos déménagements. Vous l'aimez ou le détestez, mais au moment de le faire disparaître, de le donner ou de le casser, vous reculez.

Cet objet porte en lui un fragment de l'histoire de votre personnage.
Votre personnage, sur le point de déménager ou bien alors qu'il s'installe dans un nouveau lieu retrouve cet objet et se souvient.
Bien sur, toujours pas de "Je".
et toujours entre quinze et vingt lignes.

dead line vendredi prochain!



Tu as une belle robe


Il l’avait connu dans des circonstances formidables.

Il avait fait une partie de ses études en Chine. Un jour il y avait vu cette femme resplendissante et l’avait suivi. Lorsqu’elle s’est assise sur un banc, il resta à distance et s’adressa à elle dans son meilleur chinois. «你有一件漂亮的衣服»,  lui dit-il, sur un ton timide.
La femme ne réagit pas. Elle était …Coréenne. C’est l’autre, celle d’à côté qui se retourna et lui adressa un sourire.
C’est comme ça qu’ils sont devenus amis.
Aujourd’hui, elle habite à New-York. Il regarde la photo qu’il a gardé toute une vie et qu’il a emportée dans son nouvel appartement. Il avait vendu sa maison. De la recette de la vente, il a dépensé une moitié pour s’acheter un appartement. L’autre moitié ,il l’avait mis de côté pour son pèlerinage. Il avait prévu d’aller la voir. Puis il y a eu le cœur qui a lâché. Au moment où il devait partir. Deux ans de  traversée du désert. La photo lui servait de luciole, de goutte d’eau pendant la traversée. Finalement il arrive à remarcher avec une canne. Il est heureux. Cet été, quand ce bordel de virus sera fini, elle viendra le voir en France.

WC




Les gogues, les chiottes, latrines, cabinet d’aisance, toilettes, WaterCloset, le trône, le pot ...
Autant de mots pour définir ce qu’au fond nous n’osons que rarement mettre en valeur. Le cabinet caché, celui du moment un peu honteux qu’on a du mal à assumer.
Les puissants de ce monde y vont comme les insignifiants, les riches, les pauvres, les noirs, les blancs ...
Et pourtant, à nos débuts ça commence par les cris d’extase des parents quand enfin on arrive à « faire dans le pot », on s’expose (quid de ces moments où les jeunes parents vous exposent le saint graal de leurs enfants : « T’as vu ? il y arrive ! ») puis lentement on nous fait comprendre que l’exercice se doit d’être caché, c’est un peu honteux. Les petits vents lâchés malencontreusement en public sont vite réprimandés.
Se repoudrer le nez, Faire ses besoins, la grosse ou la petite commission, avoir le cigare au bord des lèvres, avoir les entrailles en folie, la courante ... tant de contournements pour désigner l’indésignable !
Et les manières de s’y coller sont aussi nombreuses : ceux qui se pressent en ayant l’impression de commettre un délit, vite vite, je ne veux pas être soupçonné(e) ! Ceux qui prennent leurs aises, y vont avec lectures, et pourquoi pas cigare ou pétard, de quoi passer un moment de détente. Ce qui tapissent l’eau de papier pour ne pas faire de bruit, restons discrets. Ceux qui s’en foutent et que le bruit ne dérange pas, c’est naturel hein !
Au fond, s’il est bien une chose que nous avons tous en commun c’est celle de se soulager, et l’allure qu’à nos toilettes nous donnons, nous révèle bien plus que ce que l’on pense ...

Énigme


Elle était toute excitée, enfin elle allait percer le mystère de ce lieu qui ne mène nulle part. Alors qu'elle avançait vers la porte, elle se rappelait toutes ses tentatives antérieures. Elle se souvenait la première fois ; la porte était restée ouverte, sans doute une mégarde de maman, ses petits doigts s'étaient glissés dans l'entrebaillement et son corps avait suivi. Elle avait découvert une protubérance blanche qui jaillissait du sol, ses mains avait tâté tant et plus: froid et aucune tétine. Puis, des bras l'avaient arraché à son exploration. Première constatation : on ne rentrait pas là-bas pour se nourrir. 
Un jour, elle dépassa l'horizon des chevilles pour celui des genoux, une nouvelle perspective pour sonder ce lieu mystérieux. La protubérance était creuse, avec de l'eau au fond de sa bouche. Étrange. Au fil de l'investigation, elle put observer que les visiteurs du lieu s'asseyaient sur la protubérance. Peut-être était-ce un banc ? 
Aujourd'hui c'était le grand jour, elle s'était entraînée sur tous les sièges à sa disposition, cette grimpette ne serait pas un obstacle sur sa voie de la connaissance. Elle posa ses deux petites mains sur le rebord froid, bascula d'un côté puis de l'autre et réussi à se mettre en équilibre au bord de ce siège troué. C est alors qu'elle se sentit aspirée, son joli postérieur dodu plongea vers le gouffre, cette énorme et glaciale bouche blanche allait elle l'engloutir? Elle sentait déjà l'eau lui chatouiller le bas des reins, elle songea alors qu'elle ne comprenait toujours pas ce que l'on venait faire là.

lundi 30 mars 2020

Ô temps suspends ton vol...


C’était le seul endroit où elle pouvait penser à lui et pleurer sans crainte. Elle sortait alors de sa poche la photo qu’il avait prise d’elle sur le pont. Elle la gardait toujours sur elle, dans la poche de sa robe, celle qu’il aimait tant. 
Cet endroit le plus intime de la maison était le lieu où elle s’autorisait à penser à lui, à l’aimer à nouveau. Elle se regardait dans le petit miroir au dessus du lave-main, imaginant son regard vibrant posé sur elle. Elle fermait alors les yeux et essayait de retrouver la chaleur de ses baisers. 
Cela n’avait duré que quatre jours mais ce furent les quatre jours les plus heureux de sa vie. Quatre jours d’abandon de soi. Quatre jours éternels. Elle avait failli tout quitter et le rejoindre. Elle l’avait vu, là, sous la pluie, mais elle n’avait pas osé les abandonner... Elle, la femme au foyer si sage, elle, la mamma italienne, comment pouvait-elle imaginer laisser ses enfants ? Qu’aurait-on dit ? Elle avait déjà quitté son métier de professeur à la naissance de leur premier enfant. Et ce jour-là, elle s’était à nouveau sacrifiée, abandonnant ainsi tous ses rêves de liberté, renonçant ainsi à l’homme de sa vie. Elle avait pourtant fait sa valise. Mais la raison et le qu’en dira t-on l’avaient emporté. Elle était revenue à la routine, à la réalité.
Où était-il aujourd’hui ? Sûrement dans un de ces pays lointains dont il aimait tant lui parler. Pensait-il encore à elle autant qu’elle pensait à lui ? Leur amour aurait-il résisté au temps ? Ne se seraient-ils pas lassés ? Une chose était sûre : elle avait aimé. Et “ce genre de certitude, on l’a une fois dans sa vie”.
Ses enfants et le devoir qui l’appelaient la faisaient alors sortir de sa rêverie mélancolique. Elle séchait ses larmes, rangeait l’unique preuve de cet amour inoubliable dans sa poche, déverrouillait le loquet et les yeux rougis, quittait ce lieu qui la ramenait irrémédiablement vers ce vertige irrésistible pour retourner à son existence ensommeillée.

Severus Rogue



Cape tourbillonnant derrière lui, le Professeur Severus Rogue marchait d’un pas vif et décidé. Les élèves s'écartaient sur son passage, craignant de s’attirer ses foudres. Tous pensaient que leur professeur de potions retournait dans son bureau afin de surveiller les retenues du jour :  faire récurer à la main les chaudrons par les élèves ou faire retirer la bave de crapaud des tables… Severus Rogue ne manquait jamais d’imagination !


En réalité, Rogue avait confié toutes les retenues à ses collègues. Il était en fait en train de se précipiter vers ses quartiers afin d’observer les résultats de sa toute nouvelle création. En d’autres termes, constipé depuis 11 ans, Rogue venait d’inventer une potion qui lui permettrait enfin de se soulager, du moins il l’espérait.


Arrivé dans ses quartiers, il se débarrassa de sa cape, alluma un feu dans la cheminée d’un mouvement de baguette et s’assit dans un fauteuil, potion dans une main et parchemin dans l’autre. Etait-il prêt ? Prêt à accepter la mort de Lily ? Car, pour que la potion fonctionne, Rogue devait penser à elle, à ses cheveux flamboyants, ses yeux verts et son sourire, à sa main tendue. Elle avait été sa seule amie et il l’avait tuée. Il n’était pas prêt. Il ne méritait pas le soulagement.


Une violente douleur au ventre lui coupa le souffle. Plié en deux, les oreilles bourdonnantes, une odeur lui chatouilla les narines. Une odeur de lilas. C’était un signe. Le signe.


Severus Rogue se leva, décapsula la fiole et avala son contenu, une potion grisâtre à l’odeur douteuse et au goût écoeurant. Tout en pensant à Lily, il reposa la fiole sur la table basse. Il devait la laisser partir. Pour elle, pour son fils qui arriverait demain et surtout, pour lui. 


Assis sur les toilettes, plume et parchemin en main, il attendit que la potion fasse son effet. Puis soudain, le soulagement total. L’extase. Libéré d’un poids, Severus Rogue était enfin libre.

Son petit coin


Il n’a jamais apprécié de passer du temps là-dedans.
Quel est cet espace si confiné qu’il doive se plier, contraindre son corps, avant de relâcher ? Il attends toujours le dernier moment pour y aller.
Quels sont ces sons des profondeurs, décuplés par la résonance dans cette boîte creuse ?
Et cette lumière blafarde qui dilate ses pupilles ?
Comment font les autres pour s’y attarder ? Impossible d’ouvrir un magazine, il ne pense qu’à plier son affaire, à la chasser. Et cette vague qui emmène tout, l’a toujours inquiété.
Les commodités sont le lieu de l’évacuation rapide et efficace. Où est-ce que ça part ? Suis-je le seul à m’interroger sur cet intime bout d’existence ? 
Lors d’un week-end à la campagne, faute de toilettes à proximité, il part se cacher derrière un arbre. Il se baisse, lève la tête vers la cime du grand chêne. Les branches, remuées par le mistral, dansent pour lui. Il sent l’air sur sa peau, un fin rayon de lumière lui caresse la nuque. Son souffle s’allonge, il ferme les yeux, soulagé.

Toilettes d'antan





Qui dira les délices des toilettes sèches
Petit coin odorant tout au fond du jardin
Non loin de l’appentis des pelles et des bêches 
Refuge désiré de tous les popotins

Une planche trouée au diamètre précis
De la paille, au fond, ou bien de la sciure
Et confort essentiel quand on est bien assis
Le rouleau de PQ à hauteur de figure !

Ou du papier journal découpé en carrés
Lecture bienvenue pour prendre patience
Qui  au moment venu soigneusement froissé
Rejoint l’offrande faite à la fosse d’aisance

Souvenir des odeurs subtilement mêlées, 
Vieux étrons desséchés et tontes de gazon
L‘âcre urine servie sur lit de foin coupé
Et l’horrible crézyl pour la désinfection

Sur les tuiles moussues courait le rosier rouge
Entre les murs à jour le lierre regardait
Et la Ruine de Rome sur le plancher qui bouge
Et même l’ancolie toute juste entre nos pieds

Le  porte était branlante et le verrou rouillé
Obstacle à prendre en compte au moment des urgences,
La cabane sans porte était ma préférée 
Ne rentraient que les arbres et le ciel des vacances

Qui osera chanter les toilettes d’antan
En ces lieux inspirés naquirent les grands hommes
C’est là n’en doutons pas que méthodiquement
Descartes y déféca « cagito ergo sum »

Pascal parions le,  y pensa ses « Pensées »
Mesura la Pression à hauteur de tinette
Pour porter au jardin le fumier entassé
Le savant inspiré inventa la brouette

Bien d’autres après lui moulèrent leurs talents
En ces lieux méprisés. Qui en est convaincu ?
Gens de plumes et de vers admettent rarement
Que bien souvent ils poètent au dessus de leur cul

Gourmandises



Une ancienne table en bois posée sur l’herbe, on y trouve du thé, des petites gourmandises, muffins, chocolat, bonbons,... Il s’assoit toujours au bout, de là il peut avoir une vue d’ensemble, il a l’impression d’être le chef, au moins pendant ses moments à lui. Il laisse traîner un carnet et son stylo doré. Il y griffonne ses idées, ses impressions, ses pensées, ses divagations, ça l’aide à se vider l’esprit au sens propre comme au figuré. Derrière lui, une bibliothèque. Ses plus beaux voyages, il les fait au fil des pages d’un bon bouquin. Il y a non loin de lui une pendule dont le tic tac n’est plus en accord avec le mouvement de ses aiguilles. La pendule essaye de se faire oublier. Pourtant elle est bien présente mais il n’y prête plus attention. Le temps n’a plus d’emprise lorsqu’il met les pieds dans son dé-FOU-loir.

Impressions basques


Des toilettes au fond du jardin
Ne remontait pas l’air marin
Bien que situées à 200mètres
De l’océan vers Espelette
D’où viennent les piments
Appréciés en condiment
Au Pays basque comme ailleurs
Les wa-wa ne sentaient meilleur


Mais de leur petite fenêtre
On voyait onduler la mer
Le petit endroit était clair
Pas de quoi s’y prendre la tête
Car la lecture y était rare
Non point que l’on y soit avare
D’intellect à meubler un peu
Mais on n’y trouvait que « Nous Deux »
Oublié par un voyageur
Féru d’histoires de cœur


J’ai la nostalgie de ce lieu
Comme de tout ce qui est « Feu… »

Voyage, voyages...



Moi, ton petit carnet de bord, je te suis fidèlement dans tes voyages.
Tentée par l’Asie du Sud, tes pas nous ont menés au Sri Lanka et ses ruines bouddhistes, nous y
sommes passés des plaines arides aux forêts tropicales et avons baguenaudé dans la baie
sablonneuse d’Unawatuna.
A peine posé le point final de l’escapade, l’envie de t’échapper t’a de nouveau submergée. Et nous
voilà repartis, cette fois direction l’archipel des cyclades. Parmi toutes ces iles, c’est Délos et ses lions
en terrasse qui a rempli mes pages. Pourquoi avoir l’avoir préférée à Mykonos alors qu’elle est
inhabitée, sauvage…pour t’habituer peut être.
Elle est d’humeur changeante ces jours ci, le stylo me l’a confirmé ! Delos c’était hier, aujourd’hui est
un autre jour, où partons nous ? Mongolie ? Nouvelle Zélande ??? Voyons un peu ce planisphère !
Chez certains on y trouve des revues, des mots croisés, des livres, mais installée sur ton trône, toi tu
scrutes une carte du monde scotchée à hauteur des yeux et tu m’as, moi, petit carnet à spirales.
C’est décidé, nous prenons notre envol vers la mer des Tchouktches, « plus loin que la nuit et le
jour », mais d’abord tu dois te rendre, masquée, au petit Vival du coin, y a des stocks à renouveler
avant de redevenir globetrotters dans notre petit royaume.

L'aventurier



7 ème jour :

Notre arrivée tragique et la surprise d’être encore de ce monde  firent que nous n’eûmes pas, avant ce jour, de temps ni d’énergie pour ordonner les choses concernant nos intimes obligations.

Bien que non loin de notre caverne, nous avançons péniblement dans une haute végétation touffue. Un buisson épineux nous blesse, une plante aux énormes feuilles gluantes nous barre le passage, nous trébuchons sur les pierres recouvertes de mousses abondantes.

Enfin, à quelques pas s’ouvre une clairière. Avec quelques coups de machette bien dirigés, nous coupons des tiges de bambous et des morceaux d’une liane qui se balance au-dessus de notre tête. Nous érigeons trois cloisons assez solides sur les trois côtés du trou carré que nous avons creusé dans la tourbe. Nous posons deux pierres de chaque côté de la cavité afin de maintenir la stabilité de notre future posture.

Nous confectionnons de la même manière rudimentaire un toit que nous recouvrons d’amples fougères maintenues par un entrelacs de tiges souples. Cette première architecture nous satisfait et pour terminer l’ouvrage, nous cueillons une grande orchidée et la plaçons de façon qu’elle absorbe, par son délicieux parfum, nos humeurs quotidiennes.

Nous sommes assis sur ce promontoire, la vue non troublée par quelques obstacles s’étend vers  la forêt. Une source s’écoule à un pas, le chant de milliers d’oiseaux nous rend presque gai.Plus tard, un perroquet vient nous narguer en se posant sur le faîte du toit.

Nous savourons ce moment de paix et de communion avec la nature et nous nous ressentons à nouveau humain. Cette modeste cabane nous rend heureux malgré l’abîme de solitude future que nous percevons.  


Quelque humain viendra-t-il  un jour espionner notre entreprise  ?

vendredi 27 mars 2020

La pêche!


Il lui avait simplement dit d’aller se servir au frigo, la cuisine était juste à droite. Elle avait suivi ses recommandations, laissant derrière elle, au salon, le brouhaha des invités. Le rythme de la musique un peu désuète accompagnait le bruit de son pas sur la tomette. Le frigo, allons bon, où était-il ? Ah… cette chose qui devait être encore plus âgée qu’elle, devait consommer un max d’électricité. Parfois, à vouloir être économe… Elle tira sur le bras du frigo, emportant à moitié la porte avec elle, dans un couinement de plastique. Et là, ce fut le drame : une odeur nauséabonde lui monta jusqu’aux narines tandis qu’elle se demandait si l’appareil avait déjà rencontré une éponge dans sa bien trop longue vie. Une bouteille de lait ouverte attira son attention, elle y risqua une narine. Non, l’odeur ne venait pas de là. Bon, inutile de traîner et de risquer d’attraper le tétanos ou une autre maladie pour laquelle elle n’était plus tellement sûre d’être vaccinée. Autant être efficace et foncer directement vers le bac à légumes, forcément rempli de bières. Au milieu des dizaines d’exemplaires d’une bière bon marché de stade, elle dénicha une survivante, une belle blonde belge qu’elle adopta aussitôt. Et puis, au milieu des provisions et des Tupperware à la propreté douteuse, elle aperçut ce qui semblait être… À vrai dire, elle ne savait pas. C’était plutôt plat, marron, et collé à une assiette jaunie. Partagée entre le dégoût et la curiosité, elle tira l’assiette de la grille pour le regarder de plus près. Un brownie ! Ce devait être une sorte de brownie ! Ou un flan au chocolat peut être… Après tout, il fallait envisager que certains aliments soient comestibles dans ce frigo. Plongée dans la contemplation du petit galet brun et moelleux, alors que la musique battait toujours son plein, elle n’avait pas entendu le pas de son hôte qui l’avait rejointe dans la cuisine. 
— Tiens, mais c’est une pêche qui me restait de l’été dernier !

jeudi 26 mars 2020

Le frigo dans tous ses états


Ici, le frigo est blanc. Il stocke et conserve les aliments : fruits, légumes, fromages, viandes… Mais aussi des médicaments et des masques de beauté !. Alors, même s’il est l’objet le plus important de la cuisine, le frigo est utile à toute sorte de choses.

Chacun sait à quoi sert un frigo. Chacun l’achète pour remplir la même fonction. Cependant, chez le voisin il sera américain, chez le cousin il sera rempli, chez le copain il sera vide… Parfois blanc immaculé, parfois rempli de dessin d’enfants, de photos, de magnets ou de petits mots. Parfois net, rangé et propre, parfois couvert de moisissures. Cave ou garde-manger. Le frigo fait bien plus que conserver les yaourts… Il reflète qui est son propriétaire souvent bien mieux que le miroir de l’entrée

Le frigo vit, au rythme des saisons, des anniversaires, des mariages, des départs en vacances ou des rentrées scolaires et même en fonction des épidémies ! Il va être rempli de champagne, fois gras et fruits de mer. Il va être fruité et laisser s’échapper la douce odeur sucrée des fraises ou au contraire celle un peu forte des fromages du nord. Il va être un peu pompette ou à la diète, abriter le poulet du dimanche ou la pizza froide du lendemain de soirée...
S’il pouvait parler, le frigo ferait savoir s’il apprécie la façon dont il est traité, s’il aime être nettoyé, renfloué ou vidé… Il nous dirait s’il préfère voir un des membre de la famille en particulier ou si un autre claque sa porte trop fort à son goût. Il aime probablement être le centre de l’attention, incontournable dans la maison, c’est peut être l’objet au narcissisme le plus assuré car il sait que sans lui nous serions perdus !

Ici, le frigo est bien apprêté et toujours vêtu de ses plus beaux atours : magnets souvenirs de vacances, cartes postales, photos, petits mots et emplois du temps ! Niveau esthétique, rien à redire, c’est lui le plus habillé ! Mais… la beauté extérieure ne fait pas tout… Un peu soupe au lait, le frigo blanc se sent parfois un peu frustré : il n’est approvisionné que lorsqu’il n’a plus rien à se mettre sous la dent. Alors, il profite de la vie, la croque à pleine dent afin de supporter les jours un peu gris.

Atelier 4 Les toilettes

On continue !
Restons dans un domaine léger, pas trop introspectif. Continuons le tour de la maison. Chaque coin de son lieu de vie est imprégné de la personnalité de votre personnage.
Ainsi en est-il des toilettes:
J'admets qu'il est vraiment rare dans un roman ou un film de visiter les cabinets d'Emma Bovary, les lieux d'aisance de Scarlett O Hara, ou de Luke Skywalker.

Alors jouons un peu: Prenez votre personnage favori de la littérature, des contes ou du cinéma.  Imaginez l'endroit où il s'isole, y a-t-il de la lecture, des poèmes ou des cartes postales affichés au mur? Et puis, tiens, semez quelques indices, sans révéler le nom de votre personnage.
On essaiera de deviner!

Mais si vous préférez, vous pouvez aussi raconter des toilettes de votre enfance. (sans utiliser le je)

Texte court, bien  sûr!


Dispute




"Pourrie ! C'est encore trop joli."rétorqua le radis
"Oh, toi tu traînes la fane et tu veux donner ton avis"
Bougonna la tomate à la robe verdie
"Ils ont raison" bredouilla le brocoli
"Moisie est ce qui sied le mieux à ton habit"
"Oh vous pouvez vous moquer chers amis
Vos allures ne font guère plus envie
Fané monsieur le panais, regardons nous ici
Secoués, fatigués, flétris, rabougris
Nous sommes tombés dans l'oubli."
"Pauvre de vous, beau vous avez été, les périssables"
Nargua la sardine dans sa boîte impeccable.

mercredi 25 mars 2020

Souvenir souvenirs



Ton frigo est un véritable carnet de voyage. Prenons au hasard ce bocal de rougail citron, ramené de La Réunion. Tu l'avais acheté à un petit marchand de rue. Le pauvre homme semblait avoir bien besoin de cette vente. Tu te souviens ? C’était il y a 8 ans, déjà. Le vieux était là, assis en tailleur à l’angle de la rue Issautier, il te regardait avec ce sourire ébréché qui déclenchait un remous de rides dans son visage caramel trop cuit.

Comment aurais-tu pu te douter que ce sourire avait quelque chose de sardonique, voire de cruel ? Le rougail était si épicé qu’il aurait fait monter les larmes aux yeux d’un cracheur de feu. Pourquoi le gardes-tu alors, ce pot de condiment que personne n’ose plus ouvrir ? Il voisine depuis des années dans la porte du frigo aux côtés de la minuscule bouteille cadeau de punch coco récupérée dans l’avion du retour. 

D’ailleurs, il faudrait bien que tu te sépares aussi de ces champignons séchés que tu as congelés pour éviter que les mites ne les attaquent. Tu les avais marchandés en Chine, dans un village de rizières. C’était chouette ce coin. Dommage, il pleuvait beaucoup. Mais c’était bien quand même. Vous aviez mangé du riz cuit dans une tige de bambou. Ouais, c’était drôlement bien. Mais c’était il y a quatre ans, tout de même… 

Et cette conserve de saucisses aux choux qu’une bénévole de la bibliothèque d’un village de Lozère t’avait offerte en 2012. Tu crois qu’il ne serait pas temps de t’en débarrasser, puisque tu ne te risques pas à l’ouvrir ?


Oui, mais elle était si gentille, cette bibliothécaire et le paysage si beau au printemps…

Conversation entre un pot de cornichon et la mayonnaise



- Eh, t’as remarqué?
- Quoi? 
- On est un peu serré comparé à d’habitude, tu ne trouves pas ?
- Ouais, à la télé, ils parlent tous de confinement, en ce moment.
- Ah, c’est donc ça ! Elle a fait le plein, finis les bons petits plats de maman. Peut être qu’elle va enfin se mettre à cuisiner. En même temps, elle veut son indépendance alors bon si elle commençait déjà par savoir se nourrir, ça serait pas mal.
- D’ailleurs, tu n’as pas vu notre meilleur pote par hasard? Tu sais, la mousse de canard au porto? 
- Non, il n’est pas là. Par contre tu as vu toutes ces boîtes là-haut?
- Oui! c’est de la viande, elle ne va pas se laisser abattre, la petite.
- Le beurre en a pris un sacré coup avec ce confinement, forcément elle ne veut pas acheter de cochonneries industrielles, alors elle fait des gâteaux. Elle a besoin de son quatre heure.  
- Elle va en prendre des kilos! Parce qu’à ce tarif là ce n’est plus un goûter, c’est un cinquième repas qu’elle nous fait. 
- On va faire le bilan à la fin du confinement, on verra si elle arrive à tenir sans se faire livrer. 
- Nos colocataires habituels sont à peu près tous là: jambon, ketchup, gruyère, yaourt, gourde de sirop de citron, beurre, c’est bon, on a le compte. 
- T’as raison,on a de la chance, on est encore pas trop dépaysés. 
- Pourquoi tu dis ça?
- Bah imagine toute cette viande, elle doit se demander ce qu’elle fiche là. Et ces cannettes de soda, faudrait pas que la bouteille de sirop nous fasses une crise de jalousie non plus. Ahah






Je me sens si seul




Ah ben super ! Ces deux là ne sont vraiment pas stressés ! Tous mes potes m’ont dit qu’ils avaient été ravitaillés à ne plus savoir qu’en faire, que ça débordait de partout, qu’ils avaient même dû rentrer un peu le ventre et moi ... moi, rien ! Comme d’habitude ! À peine de quoi tenir trois jours ! Et que du bio ! Marre de ces brocolis, carottes, laitues, radis noirs et avocats. Marre des yaourts nature. J’ai envie de junk food, un peu, des fois, oui, du gras, du bon gros gras qui tient au ventre, du sucre, des additifs, des E machin en veux tu en voilà !  La malbouffe quoi ! En période de crise, c’est bien connu, on se jette sur tout, on mange, on mange pour oublier ! Ben non ... Ici c’est la routine, le train train. Rien de nouveau sous le soleil ! Ils ont compris quand même qu’ils allaient être confinés ? Qu’il ne faudrait sortir que pour des courses de première nécessité ? Déjà qu’en temps normal, on me remplit au jour le jour, là, je m’attends au pire ! Ah oui, ça, on me nettoie plus souvent ... et vas-y qu’on me désinfecte, qu’on me savonne ! Mais je m’en fous d’être propre moi ! Je veux être PLEIN !
Et je me sens vide et seul ...

Solidarité



Merde, y’a rien.

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Han, c’est pas vrai?! Une part de gâteau poire et caramel. C’est comme si papa était passé par là, juste pour moi. Quel bonheur! Comme j’adorais l’entendre fredonner quand il préparait des pâtisseries. Ça sentait bon dans la cuisine, c’était l’enfer!

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De la soupe… Va pour ça. Ça va m’réchauffer les entrailles. Et puis les mains. Ça caille aujourd’hui!  

Demain faut que j’passe plus tôt.

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Oh yeaah baby! J’te l’avais dit! Le grand choix : pâtes aux légumes avec sauce tomate; riz et boulettes de viande; pain complet qui me semble fait maison — les gens peuvent être si généreux!; et des yaourts passés date d’hier. 
Clairement le riz et les boulettes. Avec la soupe d’hier, mon ventre fait de l’orgue depuis ce matin.
Et du pain aussi, un morceau quoi. Faut en laisser pour les copains.


Et puis un yaourt aussi, ça va m’faire du bien. J’me gâte aujourd’hui!

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Ça fait longtemps que j’suis pas passée te voir toi, j’étais dead l’ami, courbée en deux dans le lit. Faut pt’être que j’passe au centre de soins de la basse-ville. Nan mais j’te jure, avoir mal chaque mois comme une chienne ça craint.
Fait que t’as quoi à m’proposer au menu aujourd’hui?
Ouais pas l’gros lot à c’que je vois. Mais ça va, c’est déjà mieux que rien, j’sais. Bon ça va être bouillie-de-je-sais-pas-quoi avec le restant de pain. Désolée pour les autres, mais là faut que j’remplisse la bedaine. 

__

T’sais quoi? Un jour j’vais venir t’ouvrir pour mettre de la bouffe. Pas pour la prendre là. Pour donner. Et puis je resterais aussi, pour parler avec celles et ceux qui viennent te visiter, leur jaser un peu d’la météo. Pour voir leur sourire aussi. Et les yeux qui pétillent d’appétit. 
T’es pas mal la meilleure surprise de ma journée. Parfois, j’te dis, c’est décevant. Mais sérieux, la plupart du temps, c’est tellement réconfortant. 

« Hé merci! C’est vraiment gentil c’que vous faites... C’est quoi qu’il y a dans le sac? Ça m’a l’air super bon! »