lundi 13 avril 2020

Faire le tri



Chaque été, on les voit arriver dans la cabane et on l’entend lui : «Allez il faut faire un tri ! Il faut faire de la place, le vide ! »  Elle, elle le suit, d’un pas décidé. Elle a dit que oui bien sûr, il a raison, il faut faire le vide, on entasse trop de choses au fil du temps. Allez, oui, d’accord ! C’est parti. On prend un caisse, puis deux, on essuie, on transvase d’une caisse à une autre, on sort des sacs poubelles, ça on jette, ça on garde. Il a l’air ravi qu’elle accepte de se débarrasser d’autant de choses d’un seul coup. Il en profite. Allez, on enchaîne !  Mais, il ne voit pas lui que, petit à petit, son visage à elle se ferme. Que les larmes montent aux yeux. Qu’elle est loin dans ses pensées, dans ses souvenirs. Elle a revu les habits de bébé de son fils, elle retrouve des cadeaux de ses élèves, elle retrouve toutes les lettres d’un temps lointain, de ses parents, de son frère. Elle en relit quelques unes et elle se met à pleurer. Non ça je garde ! Ca aussi ! Ca encore ! Ca y est ça recommence...C’est fou comme elle peut être nostalgique ! Chaque objet la renvoie à ce qui était et qui n’est plus. Un petit rien peut la faire pleurer. C’est pour ça qu’elle n’aime pas tellement son anniversaire, qu’elle n’a jamais aimé les premiers de l’an. Pour beaucoup c’est un de plus, c’est un renouveau, un commencement de quelque chose. Pour elle c’est un an de moins, c’est s’éloigner un peu plus de l’enfance, de sa jeunesse, pour elle c’est la fin de quelque chose. Alors trier et jeter les objets, c’est trop dur. C’est renoncer au temps d’avant et ça, elle n’est jamais vraiment prête. Alors elle repart avec les objets qu’elle a redécouverts, elle les range ailleurs dans la maison et lui, les bras ballants, se dit parce qu’il l’aime comme elle est, que ce n’est pas grave, qu’il tentera à nouveau l’été prochain.

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