lundi 14 mars 2022

Que d'eau! Que d'eau! 1

Dans la perspective de la semaine de l'eau, j'ai animé quatre séances d'atelier d'écriture sur le thème de l'eau avec des adultes.  

Consignes1: à la manière de Sei Shonagon, égréner 25 souvenirs ou pensées sur le thème de l'eau

Jouer

Des poissons en plastique jaune flottent dans le bain 

le bébé tape l’eau avec ses petits poings

Son rire éclabousse de partout

 

Contempler

Le son de la pluie glisse goutte à goutte des tuiles du toit vers la terrasse en bois

Clip clop

Le chat de la maison contemple

 

S’éclater

Sauter dans les flaques d’eau du printemps avec des grandes bottes en caoutchouc violettes avec un dessin de ciel étoilé

Les grenouilles s’enfuient

 

Savourer 

Boire de l’eau fraiche à la fontaine du village après 3 heures de marche dans la poussière du chemin et du soleil  

Se rafraichir se revigorer et s’arrêter

 

Explorer

Marcher dans le lit de la rivière sur les pierres bosselées fraiches et moussues

l’eau vive court 

l’eau file à travers les rochers  

Je la suis

 

S’étonner

La neige fond ce matin dans le jardin

Je devine les herbes vertes 

Elles pointent leur nez

Elles se dévoilent

 

Respecter

J’ouvre le robinet

l’eau coule sur les tasses en porcelaine blanche déposées dans la bassine grise

je réduis la pression de l’eau

le jet d’eau se fait plus fin plus doux

délicate caresse

 

Sentir

J’hume l’eau dans mon verre transparent sur la paume de ma main

je tends l’oreille

je cherche je flaire le silence

je me noies

 

Chatouiller

L’eau de la lessive mousse dans le baquet en bois

La mousse vole se dépose sur mes avant-bras

Un peu de mousse sur le nez

 

Se libérer

Courir sous la pluie sans vêtement de pluie

L’eau dégouline le long des cheveux et pénètre la terre

éclat de rire

 

Passer outre

Ne manges pas la neige elle est sale et tu vas avoir mal au ventre

je me cache

je lèche la neige 

je souris

 

S’attrister

On me raconte que cet été ce village dans les Hautes Alpes a manqué d’eau

la source était tarie

un camion est venu de la vallée ravitailler les villageois en bouteilles d’eau

deux par habitant

 

Rêver

Une gouttière fuit

Bien au chaud sous la couette

 

Pleurer

Un rideau de pluie devant mes yeux

Je ne vois plus rien

Je me gare

 

Méditer

L’eau chaude et frémissante de la théière

sonne dans la tasse

(CV)

                                    ***               ***                ***                ***

Rouler sous des trombes d’eau : les gouttes tambourinent et forment un espace trouble qui m’ enferme, tout devient flou et bruyant, effrayant, déluge au péril de ma vie...!

 

 Brosser vigoureusement le tapis du salon dans le lavoir communal à l’ abri du soleil brûlant, eau fraîche et savon noir, cris des enfants qui chahutent.

 

Me perdre dans la vapeur enveloppante du hammam . Dans cette chaleur humide, tous les contours sont gommés, je flotte dans un grand flou artistique .

 

Recevoir une douche inattendue du premier étage où madame Donzel arrose copieusement ses géraniums.

 

Boire un grand diabolo menthe avec une paille et siroter à la terrasse du bistrot .De l’ intérieur me parvient la voix de la serveuse qui fredonne la chanson de Nino ,«  on dirait le Sud « .

 

Faire chauffer l’ eau pour la bouillotte qui réchauffera les draps humides de la maison du bord de mer. (VE)


                                                ***                    ***                            ***                        ***


Apprendre à nager. Mon père me tient le menton, j’ai confiance, je flotte

Chanter « la pluie fait des claquettes » en pensant à Nougaro, qui est mort pour toujours

Prendre un bain dans la baignoire sabot où j’ai lu tout Boris Vian 

Partir toutes les années passer le mois d’août à la mer, rouler dès l’aube dans la vieille DS sous les platanes de la Nationale 7. Interminablement.

Chercher ma fille et la retrouver presque noyée dans le petit bassin d’eau bénite de la grotte de l’Abbaye d’Aiguebelle (une copie de celle de Lourdes).

Adorer mon bikini de la Boutique de Sheila même si je déteste me baigner.

Pleurer en écoutant chanter Chet Baker, même si sa Valentine est funny (« My funny Valentine »)

Retourner à Porto pour les orangeades à 30 centimes, aucun serveur jamais n’y ajoute de l’eau

Etre trempée par une pluie d’été main dans la main avec un amoureux, à 15 ans.

Pleurer au cinéma, surtout si ce n’est pas un mélo

Penser à Gaston Bachelard qui a écrit des centaines de pages sur l’eau ; pas une sinécure.

Aimer la pluie quand il pleut et le soleil quand il fait beau, signe d’un bon caractère.

Avoir la tête pleine de paquebots en entendant le mot transat (un raccourci pour transatlantique)

Avoir envie d’aller au bal des pompiers, bal mythique.

Pomper donc être, philosophie shadok.

Sauter dans les flaques en bottes de caoutchouc, les marine avec un liseré blanc.

Admirer les cormorans qui sèchent au soleil sans se soucier du temps perdu (au contraire de Marcel Proust)

Etre née au bord du Rhône avant sa canalisation ; ça ne rajeunit pas

Ne pas arriver à retenir plus de 3 lignes du Bateau ivre

Douter fortement du sens de l’orientation de Christophe Colomb qui se croyait en Inde en arrivant en Amérique

Penser à faire un don aux Sauveteurs en mer, aux pompiers aussi. Ne pas oublier de le déclarer aux Impôts.

Admirer le génie humain qui a transformé l’eau en café-crème et thé au lait

Chercher le nom de ces sandales en plastique bleu ou rose qu’on mettait pour marcher dans les rochers (on me souffle : les méduses)

 Ne pas avoir vu la moindre goutte de pluie en 18 jours d’Irlande

 Adorer les bouilloires qui sifflent (ND)


                            ***                        ***                        ****                        *****

Se souvenir.  En ce temps là nous étions de grands explorateurs. Le ruisseau des Faures était notre Amazone, notre Colorado. Nous y avons trouvé sans peine les sources du Nil. Nous en avons descendu le cours en déjouant les pièges des grands éboulis et des ronces griffues.

 

Découvrir, à la sortie du Grand Canyon,  le lac des merveilles. Aux vacances d’avril, ses eaux étaient translucides, des pépites brillaient dans le sable du fond. C’était un bonheur de s’asseoir sur les dalles blanches et de laisser la fraîcheur grimper sur nos jambes en feu. 

 

Observer au fil des expéditions le lac devenir mare verdâtre où de curieuses araignées faisaient du patinage. On les appelait des manèges. L’eau était gluante d’algues vertes et d’œufs de grenouilles.

 

Aller récolter les têtards à la main, dans nos boîtes de conserves et revenir trempés jusqu’aux oreilles en ayant peur de se faire gronder. L’ombre fraîche de la bignone accueillait tous les ans la bassine aux têtards.

 

Protéger la métamorphose sans y toucher,  en  empêchant surtout le chat d’y mettre la patte ! Les locataires à pattes disparaissaient un  à un dans la nuit, et  nous étions malheureux. Un jour  de grande joie nous avons découvert une rainette minuscule sous une feuille. (GV)

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