lundi 14 mars 2022

Que d'eau! Que d'eau! (2)

 atelier 2

Écrire un texte de fiction  en s’appuyant sur une phrase ou deux d’une chanson. 

Cette chanson peut apparaitre comme une citation mais  elle peut aussi prendre sa place  dans le texte lui-même, par exemple en étant glissé comme une réplique dans un dialogue ou figurer à la fin du texte. 


Cher inconnu,

 

Tu m’as trouvée un jour de grande lassitude. Tu errais sans but sur la plage, perdu dans tes pensées étriquées. Personne ne te disait le goût des algues, ni le bleu et le vert qui dansent sur les vagues. Quand tes blancs orteils de citadin ont rencontré ma surface dure et plutôt rugueuse, tu as tonitrué ton juron favori. Tu t’es arrêté quand même, fatigué d’avance à l’idée de chercherÒ une poubelle pour y jeter cette énième bouteille que des pollueurs débiles avaient encore laissée derrière eux. 

Puis tu m’as enfin regardée, vaguement intrigué. Quelque chose dans l’épaisseur de mon verre, mes flancs grisâtres et rêches, les débris de coquillages accrochés à mon goulot t’a fait penser que je venais de loin. Et quand tu as nettoyé à la salive mon cul de bouteille armorié, j’ai accroché tout ton intérêt : épave, galions corsaires, pièces d’or…ton enfance t’est remontée au cœur. Un coup d’œil circulaire pour vérifier que tu étais seul et tu m’as vigoureusement secouée…au cas où ...

Tu sais bien, voyons, que les bouteilles à la mer ne peuvent contenir que de précieux messages !

Stupidement déçu tu m’as fait disparaître dans ton sac à dos. Tu t’es senti un peu coupable, vaguement honteux, comme si tu avais extorqué quelque chose à quelqu’un.

Et voilà que tu viens de m’ouvrir, sans me nettoyer surtout, avec d’infinies précautions, je dirais même avec le respect dû à une très vieille et très lointaine voyageuse. Forcément tu as cassé mon goulot : c’était le prix à payer.

Et tu trembles en déchiffrant le message jauni que j’ai préservé pendant des siècles et qui était destiné à toi seul :

 

Cher inconnu,

Si ta vie est étroite,

 prends le large

(GV)


***



                    Cher ami

 

Te souviens-tu lorsque nous étions enfants, nous courrions près des étangs avec ces grands roseaux mouillés.

Ce matin, je me promenais le long du chenal. Je regardais les oiseaux blancs et les maisons rouillées et les souvenirs ont reflué.

M’est venue l’envie de t’écrire et te raconter ce qu’est devenu ce petit bout de monde depuis ton départ il y a si longtemps.

Tu te souviens la maison au détour du chemin, elle se dresse encore là. Je suis toujours surprise de m’y cogner. Elle semble indestructible malgré ses pierres couvertes de mousse et gorgées d’humidité. Le vieux boiteux et la vieille grincheuse sont partis et la maison est à l’abandon. 

Les fougères ont poussé de part et d’autre du talus et mes pas s’enfoncent dans un lit de feuilles pourries à l’odeur âcre.

Je ne sais pas par quelle alchimie mon souvenir si lumineux et joyeux est comme chassé par cette sombre atmosphère de fin du monde et de désolation.

Mon humeur se décolore.

Je fais le vœu insensé que tu sois là auprès de moi.

Mes pas me mènent vers les étangs. Le bruit de l’eau se fait plus présent. Je tends l’oreille et mon corps se tend légèrement. Un ruisseau s’est formé. L’eau est vive, court dans le ruisseau, file entre les rochers.

Mon humeur s’éclaircit.

A l’étang, au loin la ville. Elle a gagné du terrain, s’est rapprochée avec sa zone industrielle et ses bâtiments bien en ordre, bien alignés. On dirait des boites en carton, déposées là, pour je ne sais quel dessein.

C’est moche.

Je m’arrête pour aujourd’hui, je posterai la lettre demain en allant au marché. 

J’y joins une pensée du printemps dernier glissée dans mes cheveux. Une fleur séchée, ensommeillée.

Je t’embrasse. (CV)


                                                                                ******


                Chère Jane, 

 

Je prends le temps de t'écrire ces quelques mots pour te parler de ce qui occupe tous les esprits depuis hier matin. J'imagine que depuis ton cottage en Irlande, tu as vu les journaux télévisés et que tu sais à peu près tout ce qu'il y a connaître sur le sujet. Mais enfin, l'actualité se trouve rarement en face de ma fenêtre, et je voulais te raconter ma propre version des faits. 

 

Il faut que tu saches qu'une pluie bat sur Paris depuis le début de la semaine. J'ai rarement vu tant d'eau tomber si vite. Tu aurais dû entendre le vent souffler dans les arbres. Chacun de mes voisins a verrouillé ses fenêtres et j'ai vu passer devant ma vitre du sixième deux parasols, une jardinière en plastique vide, une taie d'oreiller et quelques culottes. Dans la rue, les gouttières déversent sur le sol de l'eau furieuse, qui tourbillonne avant de s'enfuir dans les caniveaux. 

 

Au-dessus de chez moi, la petite voisine qui vit dans la chambre de bonne a fait venir une dizaine d'étudiants et ils ont passé une partie de la nuit à danser, comme si cet orage d'été venait réveiller une énergie pure que seuls connaissent les indiens à l'approche de la mousson. Bref, je me suis endormi dans cette ambiance de tornade dehors, alors que de jeunes pieds tambourinaient au-dessus de ma tête au rythme de la musique et qu'ils hurlaient ensemble : "It's raining men, alleluia !

 

C'est le lendemain matin, comme tu le sais, que l'événement s'est produit, même si l'heure précise n'a pu être établie pour le moment. Toujours est-il que je me suis réveillé, affalé sur mon fauteuil du salon, la télécommande de la télévision dans la main. La pluie tombait toujours sur la ville, mais plus calmement. Le pire semblait passé. Je me suis levé, j'ai avancé vers ma fenêtre pour observer quels étaient les dégâts sur ma rue. Un panneau "stop" gisait sur le trottoir, à côté de plusieurs branches arrachées par le vent. J'ai levé la tête, et c'est là que j'ai compris la gravité de la chose. Cela ne m'a pas sauté aux yeux mais s'est installé en moi comme un creux dans ma poitrine. J'ai ressenti une vague sensation d'absence, celle d'une présence familière désormais disparue. C'est alors que j'ai ouvert la fenêtre, comme si les gouttes grasses ruisselant sur mes carreaux pouvaient altérer ma vision, et j'ai dû me résoudre à l'évidence : la tour Eiffel avait disparu. 

 

Comment accepter l'inacceptable ? Ma chère Jane, j'ai pensé à toi. Je sais comme tu avais aimé t'installer sur mon fauteuil et regarder le soleil se coucher sur la Dame de fer. Tu m'avais dit que je devrais penser à le louer à des touristes, qu'il ferait un carton sur airbnb. J'ai moi-même choisi cet appartement, il y a vingt ans déjà, pour cette raison précise ! Il m'est venu l'idée que j'avais peut-être imaginé l'existence même de la Tour Eiffel, ou que celle-ci avait peut-être été déplacée. J'en suis finalement venu à douter de ma santé mentale, et j'ai appelé mon fils, Arthur, pour lui demander s'il se souvenait de la vue de ma fenêtre et s'il pouvait me la décrire. Ce dernier m'a répondu d'une voix éteinte : 

-       J'ai reçu une alerte, papa. Allume ta télé…

 

Sur l'écran de la chaine d'actu en continue, un présentateur sous un grand parapluie noir se tenait à l'endroit où la tour aurait du se trouver. Je n'ai pas compris un mot de ses commentaires, encore abasourdis devant les images : à cet emplacement, il n'y avait plus rien. C'est après que j'ai appris l'essentiel de ce que l'on sait encore aujourd'hui de cette histoire : absolument personne ne l'a vu disparaître. D'après les témoins oculaires, elle était encore à sa place à 4h du matin et s'était envolée à 6h. A l'heure où je t'écris, toutes les polices sont à la recherche du moindre boulon qui pourrait nous apporter une réponse. Où est-elle ? Que lui est-il arrivé ? Les experts s'accordent sur le fait qu'un acte terroriste est à exclure : aucune trace d'explosion, aucun dégât n'a été relevé. De la même manière, il est quasiment impossible de songer à un vol : la transporter entière paraît relever d'une logistique inhumaine, et la démonter aurait été trop long et trop difficile à cacher. Nous en sommes à nous demander si elle aurait pu s'envoler dans la tempête. Tout le monde y va de son hypothèse. Quant à moi, j'ai perdu ma vue.  (CB)



                                                                                    ****

Monsieur Fernand,

 

C’est à l’ami que j’écris et au scientifique que je m’adresse pour vous dire combien je regrette votre absence. Vous auriez trouvé les mots justes car ce qui est arrivé après votre départ, jamais je n’aurais pu l’imaginer !

Vous souvenez-vous les longues promenades en bord de mer et nos conversations ? Je vous revois tentant de remettre de l’ordre dans vos feuillets agités par le vent. Sans me vanter, je crois vous avoir raconté toutes les légendes locales qui courent sur la lande. 

Je suis tellement impatient de relater en détail cette chose que j’en oublie de m’enquérir de votre santé. J’espère que cette convalescence chez nous vous a permis d’en finir avec vos fièvres tropicales. Il n’y a pas mieux que notre bon air pour faire courir les centenaires ! 

Je ne vais pas retarder plus mon récit bien que je me demande ce que vous allez en penser. J’ai entière confiance en vous pour ne pas ébruiter cette affaire… Je vous intrigue ? Ah ! J’ai appris à vous connaître ! 

Ce vendredi premier mars, les pluies tempétueuses avaient enfin cessé et le soleil faisait une timide apparition. C’est pourquoi, la moitié des habitants sortirent de chez eux dans la matinée. Les gens échangeaient des nouvelles et j’étais dans un petit groupe sur la place du village. Des fenêtres ouvertes, on entendait des femmes qui chantonnaient joyeusement et des enfants riaient en se poursuivant. Il flottait un je-ne-sais-quoi… grisés par un parfum printanier après des jours de rumination, enfermés dans nos intérieurs sombres.

C’est Jean qui a vu en premier les volutes argentées s’accumuler au-dessus de nos têtes. Je vous ai déjà parlé de lui. C’est un personnage étrange : il consacre son temps à contempler les cieux, à regarder les nues, à guetter les stratus, à lorgner les nimbus ! Il a crié et pointé l’index vers le ciel couleur plomb et tous avons cherché à nous souvenir si nos parents avaient déjà vécu ce phénomène. 

Sur cette surface lisse est apparue une image aussi nette que dans un miroir : on pouvait y reconnaître les villageois dans leurs occupations quotidiennes et les alentours, collines, chemins et maisons. On distinguait même dans notre petit lac, des canards qui voguaient la tête en bas ! Je me suis cherché des yeux, là-haut, et j’ai retrouvé notre petit groupe sur la place qui nous fixait, lui aussi… Croiser, sans le désirer, son propre regard est une drôle d’expérience ! Une impression glaçante de m’espionner et à la fois d’être épié par cet autre moi-même !

L’ensemble était irréel et banal à la fois. Nous étions fascinés, saisis d’émerveillement et en proie à de funestes pensées face à l’inconnu... connu ! Qu’auriez-vous fait à notre place ? Les auriez-vous hélés ? Quant à moi, j’aurais pu m’appeler… Et si l’autre était descendu en planant comme une feuille ? J’imagine de ces choses… Je suis encore sous le choc !

Cet éblouissement dura quelques longues minutes, l’image est devenue flou avant de se disperser en une multitude de points clignotants. Plus aucune trace de ce mirage… sauf dans nos mémoires ! 

Je ne suis qu’un simple instituteur de campagne à l’esprit rationnel. Aujourd’hui, je puis affirmer avec certitude : nous n’avons pas rêvé et nous avions les pieds sur terre ! Ah ! Que vos raisonnements me manquent ! Pourquoi le monde s’est-il dédoublé ? Ou… inversé ? J’en perds mon latin ! Cependant, il me revient une odeur qui nous a enveloppés jusqu’à la nausée ce matin-là. J’ai pensé alors à celle du narcisse… Notre singulière expérience pourrait-elle avoir un lien avec la floraison qui blanchie les prés chaque printemps ? 

Si j’ai raison, il faudra être attentif désormais à l’écoute d’évènements exceptionnels mais similaires. Je m’explique : on a prouvé que les arbres communiquent chimiquement entre eux pour se prévenir de l’attaque d’herbivores. Dans la région, vous savez combien la cueillette des fleurs est une activité traditionnelle. Mais alors !... Nous serions donc leurs prédateurs… Cela ressemble bel et bien à un avertissement ! 

Le ciel pourrait nous tomber sur la tête, comme le craignaient nos ancêtres ! Dès le prochain printemps !

Je vous le dis : l’heure est grave. Il vous faut revenir sans tarder. Nous vous réserverons le meilleur accueil et votre présence tranquillisera les esprits.

Mes amitiés fraternelles, 

Yann Lecraintif (alias MV)

                                                                                                  ***


Chère Cristalline,

 

 

Voici maintenant 3 mois que nous avons été séparée, toi pour permettre aux humains de s’hydrater, et moi pour nourrir Gaïa. 

Mon trajet m’a laissé du temps pour te partager un instant de ma descente vers Gaïa.

 

Alors que la nuit tombait sur la mer qu’on voit danser le long des golfes clairs, j’avançais crachin cracha, dans ce nuage de gouttes d’eau luisantes du clair de lune.

La pluie déposait  ses douces perles sur les feuillages, les palissades en bois, et les fils d’étendages comme un collier étincelant, et je me demandais bien ou j’allais atterrir ?

 

Soudain du bord de la plage surgit juste au dessous de moi une immense tâche jaune ! C’est inévitable !! c’est incroyable, la tache jaune se déplace très vite et j’accoste, je glisse dessus, glisse et glisse encore, c’est si grisant que la vitesse me déforme , je tourne à droite, à gauche, et hop, rebondit, roule, glisse, puis, grand ralentissement dans le creux d’un pli qui fait gouttière. 

Une baignoire !

Je me retrouve dans un grand bain, au repos dans le calme, je m’étale, me dilate, me détend, flotte, puis une rigole à nouveau m’emmène dans une descente vertigineuse si bien que j’ai l’impression de ne plus être en contact avec le ciré, qui m’emmène je ne sais où ? Vais je pouvoir accomplir ma mission ?

 

Et hop je me retrouve d’un revers de main à faire chemin inverse, je Monte,

                                                                                                                      Je Monte !!

                                                                                                                      Je……….

Redescends, virevolte, rebondit, me cogne, m’agglutine, m’enlace, me retient, m’aglisse comme je peux,

je ne vois plus rien !!

 

Un silence, 

il s’est arrêté – Et moi aussi Cristalline

MISSION ACCOMPLIE

 

SPLASH  (SR



                                                                                    ***

Chère ou cher Inconnu(e)

 

Voilà une lettre de France qui, je le souhaite de tout cœur, arrivera un jour de l’autre côté de l’océan.

Je suis assise à la Pointe du Diable à même le sable qui a séché tout ce  jour.

 

Je m’y rends souvent après le travail de l’Auberge, je garde mon tablier de cuisine par habitude, enfile mes bottines et  marche deux bons kilomètres dans la lande. 

 

Chez nous, le vent arrase la terre, les pierres s’arrondissent et l’herbe reste courte et bien verte en toutes saisons. Je croise quelques moutons et passe la chapelle des Corsaires. Parfois la cloche sonne entraînée par une violente bourrasque. Le sel de l’Océan picote sur ma peau, je passe ma langue au bord des lèvres pour le goûter.

 

Je voudrais, cher ou chère inconnu(e) vous raconter mon Île, les couleurs de la mer, l’écume sur la Pointe. Et ma vie aussi, mes parents, le curé, mon amoureux parti marin…mais n’ai point trop de temps et l’écriture en serait bien trop longue.

 

Cher(e) inconnu(e) c’est l’eau, c’est l’eau qui nous sépare !

Serez-vous celui ou celle qui connaît le sentiment de solitude et d’isolement ? 

 

Je prends soin de remettre ma lettre dans une bonne bouteille de vin de Bordeaux bien épaisse et solide.

 

Je vous laisse mon adresse Maike Kerloan Auberge du Grand Pélican,Belle Ile en Mer France

J’attendrai désormais le restant de mes jours que les flots me ramènent un message de vous…

Les jours s’en vont 

Je demeure

 

Bien à vous

Maike   (MSM)


                                                                                        ***


Ma très chère maman si tu es bien ma maman 

Pourquoi n’entends-tu pas mes soupirs, mes demandes. Je crois qu’ils ne t’ont pas dit que je t’attendais, sinon tu serais venue me chercher. Alors je t’écris, cachée sous ce lit en regardant par la toute petite fenêtre, un soupirail au bas du mur. Pas de lumière dans ces chambres exiguës, si tristes. Je profite de la pleine lune. Viens, viens me chercher. Je deviens folle ici parmi tous ces fous qui se collent à moi quand je vais dans la pièce commune. Je veux simplement profiter du paysage des bois environnants que les grandes fenêtres laissent découvrir. J’ai compris ! je serais calme !

J’ai volé des fragments de papier lors de la dernière visite du Dr Freud et des bouts de crayon lors de cette activité, comment ils l’appellent déjà : ergothérapie. 

Le sol est gelé et mes genoux souffrent de ce contact dur. Ma chemise rêche me frotte la peau et irrite mes sens. Ils ont refusé de me laisser les chemises douces et fines que Simone mettait sur notre lit après les avoir repassées et parfumées.

C’est l’automne et il fait froid, humide. Dehors, tiens v’là la pluie Ah quel sal’ temps. Où est-il l’été ? L’été de mes 10 ans quand, après une pluie douce et chaude, l’odeur du chocolat emplissait l’air pour nous réconforter.

Mais c’est aussi par une douce pluie de printemps qu’une camionnette blanche avec une croix rouge sur le dessus est entrée dans la cour détrempée par l’eau ruisselant des cheneaux. Comme un pressentiment je savais qu’elle était là pour moi. Mère, tu m’as si souvent dit « si tu continues, on va te faire enfermer ».

Je me suis accrochée à toi et père en vous suppliant de ne pas les laisser faire. Ces deux femmes en blouse blanche collée à leur peau, l’une avec un chignon attaché avec une pince en forme d’oiseau et l’autre aux cheveux courts à peine cachés sous une coiffe légère. La 1ère m’a dit à l’oreille « tu verras on va te soigner et tu pourras vite revenir. Tu seras bien avec nous qui te comprenons… tes parents ne savent pas ». Sa voie rassurante mais son regard si froid presque métallique ne m’a pas plu. 

Mes parents se sont détournés et l’ambulance est partie avec moi accrochée à la portière, essayant désespérément de l’ouvrir. En me retournant, j’ai cru voir que tu versais une larme ou étais-ce la pluie qui coulait sur tes joues ?

Pourquoi ne m’as-tu pas écoutée ? Je ne trouvais pas les mots, j’avais peur, peur de ta réaction, honte aussi de ton regard. Et quand tu m’as vu déchirer les tissus de ma chambre, de la chambre de mon frère, parti si vite à l’armée, je n’ai pas su te dire ma colère ni te décrire les horreurs du monstre qui m’avait souillée. J’ai hurlé, arraché les yeux de mes poupées, noyé le chat qui me regardait avec méchanceté, enfin je croyais. 

J’avais presque 16 ans et c’était il y a longtemps ou hier peut-être, c’est si présent dans ma mémoire, si douloureux dans ma chair. A quoi bon !

Je sais que tu ne viendras pas car tu as honte de cette fille délurée qui, le jour de ses 18 ans, lors du bal en son honneur, a levé sa robe au milieu des convives et découvert la peau blanche et fine de ses hanches. Ils ont hurlé, honte à moi, honte à toi qui a mis au monde cette folle.

Je pars, ce drap blanc sera bien assez solide, j’ai tant maigri.

Adieu Maman je ne te ferais plus jamais de peine. (NC)


                                                                                    ***

Claude à Jimi, un jour de mars 1968

Hey Jimi, toi et moi on fait pourtant la paire pour ce qui est de boire de l’eau, mais à Toulouse ou à Miami la pluie c’est quelque chose hein ? La tienne groove, la mienne fait des claquettes mais tu sais bien qu’y a pas d’eau dans le gaz entre le jazz et la pop. Viens à Paris, y a de la giboulée dans l’air, on groovera ton rainy day avec les canards de la Seine, et à force de rasades, de tournées des grands-ducs, on chantera sous la pluie sur le trottoir à minuit ! 

 

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